EXONERATION DES PLUS-VALUES IMMOBILIERES DES NON-RESIDENTS : Un cadeau empoisonné pour les expatriés ?

PROJET DE LOI DE FINANCES POUR 2014

 

Modification de l'exonération de plus-value dont bénéficient les non-résidents.

Les plus-values de cessions d’immeubles réalisées par des non-résidents sont imposables en France et passibles d’un prélèvement dont le taux varie en fonction de leur pays de résidence au jour de la cession (19%, 33,1/3% ou 75%) ainsi que depuis 2012, des prélèvements sociaux (15,5%) (CGI, art. 244 bis A).

 

Ne pouvant profiter de l’exonération prévue en faveur de la cession de la résidence principale (celle-ci étant par hypothèse située à l’étranger), les expatriés bénéficient néanmoins d’une mesure spécifique d’exonération en cas de cession d’une habitation qu’ils auraient conservée en France (CGI, art. 150 U, II-2°).

 

Cette exonération, limitée à une seule cession opérée depuis le 1er janvier 2006, est subordonnée à la triple condition :

  • que le contribuable soit ressortissant d'un Etat membre de l'Union européenne, d'Islande, de Norvège ou du Liechtenstein ;
  • qu'il ait été fiscalement domicilié en France à un moment quelconque pendant au moins deux ans antérieurement à la cession ;
  • et qu’il ait la libre disposition du logement depuis le 1er  janvier de l’année précédant celle de la cession, autrement dit qu'il constitue l'habitation en France du cédant.

Cette dernière condition fait souvent défaut lorsque l'expatrié quitte la France et met son logement en location pendant la durée de son contrat d'expatriation. Lorsqu'il envisage de vendre cette habitation, il se trouve par voie de conséquence privé de l'exonération.

 

Pour remédier à cette situation, il a donc été proposé par voie d'amendement au projet de loi de finances pour 2014 de modifier les conditions d’application de cet avantage fiscal "pour l’adapter aux réalités économiques, sociales et professionnelles" des expatriés (amendement I-657).

AMENDEMENT N° I-657

présenté par M. Le Borgn’, M. Amirshahi, M. Cordery, Mme Lemaire et M. Arnaud Leroy

 

ARTICLE ADDITIONNEL

APRÈS L’ARTICLE 18, insérer l’article suivant:

I. – Le 2° du II de l’article 150 U du code général des impôts est ainsi rédigé :

« 2° Au titre de la cession d’un logement situé en France lorsque le cédant est une personne physique, non résidente de France, ressortissante d’un État membre de l’Union européenne ou d’un autre État partie à l’accord sur l’Espace économique européen ayant conclu avec la France une convention d’assistance administrative en vue de lutter contre la fraude et l’évasion fiscales et à la condition qu’il ait été fiscalement domicilié en France de manière continue pendant au moins deux ans à un moment quelconque antérieurement à la cession.

« L’exonération mentionnée au premier alinéa s’applique, dans la limite d’une résidence par contribuable et de 150 000 € de plus-value nette imposable, aux cessions réalisées :

« a. Au plus tard le 31 décembre de la cinquième année suivant celle du transfert par le cédant de son domicile fiscal hors de France ;

« b. Sans condition de délai, lorsque le cédant a la libre disposition du bien au moins depuis le 1er  janvier de l’année précédant celle de la cession ; »

II. – Le I s’applique aux plus-values réalisées au titre des cessions intervenant à compter du 1er janvier 2014.

Extension du champ d’application de l’exonération bénéficiant aux expatriés


Il est tout d’abord proposé d’étendre le régime actuel d’exonération en faveur des expatriés n’ayant plus la libre disposition de leur bien au jour de la cession.

 

Dans cette situation, la plus-value immobilière pourra être exonérée à la condition que la cession soit réalisée au plus tard le 31 décembre de la 5ème année suivant celle du transfert du domicile fiscal du cédant hors de France.

 

► Cette mesure permettra aux expatriés ne disposant pas des ressources financières suffisantes pour conserver une habitation libre de se voir à nouveau exonérés s’ils décident de vendre leur bien dans les 5 années suivant leur départ.

 

En parallèle, l’amendement propose de maintenir une exonération sans condition de délai entre le départ de France et la cession du logement au profit des expatriés conservant la libre disposition de leur bien depuis le 1er janvier de l’année précédant la cession.

Plafonnement du montant de la plus-value exonérée


Un cadeau n’arrivant jamais seul, l’amendement durcit drastiquement le régime puisqu’il est proposé de plafonner le montant de la plus-value exonérée à 150.000 € alors qu’actuellement celle-ci est exonérée en totalité.

 

Ce plafond sera apprécié par rapport à la plus-value nette imposable, c’est-à-dire après application de l’abattement pour durée de détention, et de l’abattement exceptionnel de 25% pour les cessions réalisées jusqu’au 31 août 2014.

 

On pourra souligner que cette mesure est pour le moins injuste puisqu’elle a vocation à s’appliquer indifféremment à tous les types de logements, libres ou non au moment de la cession.

 

Compte tenu de l’augmentation de l’assiette imposable des plus-values immobilières soumises aux prélèvements sociaux contenue dans le projet de loi de finances pour 2014 (Article 18 – modification des règles de calcul de l’abattement pour durée de détention), l’effet négatif de ce plafond pour les logements libres est important.

 

Prenons l’exemple d’un appartement vendu par un expatrié résidant au Canada, célibataire. L’appartement acquis pour 100.000 € en 2000 est revendu en 2014 pour 600.000 €.

Le vendeur a quitté la France en 2011 et l’appartement est libre d’occupation depuis le 1er janvier 2013. On appliquera les forfaits de 7,5% pour les frais d’acquisition et de 15% pour les travaux.

La plus-value de cession brute sera de 477.500 € (= 600.000 – 100.000 – 7.500 – 15.000).

L’abattement pour une durée de détention de 14 années pleines sera de 54% en matière d’impôt sur le revenu, et de 14,85% en matière de prélèvements sociaux.

 

Après application de l’abattement exceptionnel de 25%, la plus-value nette s’établira à :

164.738 € en matière d’impôt sur le revenu (= 477.500 x 46% x 75%)

et de 304.943 en matière de prélèvements sociaux (= 477.500 x 85,15% x 75%)

 

Si les premiers 150.000 € sont exonérés, l’imposition totale s’établira à 28.929 € ( 4.913 € d’impôt au taux de 33,1/3% pour les résidents du Canada et 24.016 € de prélèvements sociaux à 15,5%).

 

Il reviendra à l’administration de préciser les conséquences devant être tirées de cette nouvelle règle en matière de taxe sur les plus-values excédant 50.000 € prévue par l’article 1609 nonies G du CGI. L’assiette de cette taxe s’entend t’elle désormais de la plus-value nette abattue des 150.000 € ou avant abattement ? Dans le second cas, une imposition supplémentaire de 6.590 € se rajoutera au total de notre exemple, soit 35.519 € là où jusqu’en 2013 aucune imposition n’aurait été perçue…

entrée en vigueur


Ce nouveau régime d’exonération, s’il est adopté, entrera en vigueur au 1er janvier 2014.

 

Toutefois, les non-résidents qui auraient déjà bénéficié du dispositif de l’article 150 U, II-2° du CGI entre le 1er janvier 2006 et le 31 décembre 2013 ne pourront en profiter une nouvelle fois à partir de 2014.

 

En conclusion, si cet amendement se veut inspiré par une plus grande justice sociale et par un souci de réalisme sur la situation des expatriés, il n’est pas certain qu’en pratique il sera perçu positivement par la communauté expatriée dont les liens avec la France se trouvent déjà distendus et qui sera certainement dans l’obligation de céder les biens immobiliers conservés en France.

 

Rappelons qu’un non-résident expatrié dans un pays non-membre de l’UE ou de l’Espace Economique Européen (hors Suisse) voit l’imposition de sa plus-value immobilière portée à un taux global de 48,83% tandis qu’en cédant sa résidence principale concomitamment à son départ, il serait purement et simplement exonéré d’impôt.