Le représentant fiscal des non-résidents : une obligation méconnue

 

 

 

La représentation fiscale est une activité souvent méconnue et pourtant incontournable dans un contexte international.

 

QU'EST-CE QUE LA REPRÉSENTATION FISCALE DES NON-RÉSIDENTS ?


La naissance de la fonction de représentant fiscal en France est intimement liée à l’internationalisation des échanges induisant un risque accru de non-recouvrement des impositions dues à l’État.

 

Elle est apparue en 1955 avec la création de la taxe sur la valeur ajoutée et s’est considérablement enrichie par la suite.

 

Le représentant fiscal est un intermédiaire entre l’État français et des opérateurs étrangers, personnes physiques ou morales agissant dans le cadre de leurs activités économiques ou dans la simple gestion de leur patrimoine privé.

Il a pour mission principale d’être le garant de l’exactitude des déclarations déposées pour le compte de ses mandataires étrangers devant l’État français.

 

A ce titre, il encourt une lourde responsabilité puisqu’il est solidaire du paiement des impositions dues par son client ainsi que des pénalités et majorations qui pourraient être exigibles en cas d’irrégularité relevée pendant toute la durée de la prescription fiscale.

 

Compte tenu des montants en jeu, la mise en place de garanties est parfois demandée par le Trésor.

 

Aujourd’hui, si l’on met de côté la législation douanière, le représentant fiscal intervient dans trois domaines : les cessions d’immeubles, les cessions de droits sociaux et la TVA.

 

 

1. LES CESSIONS D'IMMEUBLES (CGI, art. 244 bis A)


Les mutations à titre onéreux de tous biens immobiliers situés en France ou de droits s’y rapportant (titres de sociétés à prépondérance immobilière, usufruit, nue-propriété,…) réalisées par des personnes fiscalement non-résidentes de France nécessitent la désignation d’un représentant fiscal domicilié en France.

 

Sans cette formalité, l’acte de cession ne pourra être enregistré au service de publicité foncière ou au service des impôts des entreprises.

 

La désignation d’un représentant fiscal est obligatoire dans les cas suivants :

 

  • Pour les cédants personnes physiques :
    • lorsque le prix de cession est supérieur à 150.000 €
    • et lorsque le bien ou le droit est détenu depuis moins de 30 ans
  • Pour les cédants personnes morales : dans tous les cas.
  • Pour les associés non-résidents de sociétés de personnes françaises cédant un immeuble et relevant de l’impôt sur le revenu (article 8 à 8 ter du CGI) :
    • pour les associés personnes morales ayant leur siège social hors de France : dans tous les cas ;
    • pour les associés personnes physiques : si le prix de cession revenant à des non-résidents  (associés personnes physiques et morales) est supérieur à 150.000 € et si le bien cédé est détenu depuis moins de 30  ans.

Le représentant fiscal ne peut être que l’une des personnes suivantes :

  • l’acheteur du bien s’il est fiscalement domicilié en France ;
  • les banques et établissements de crédit exerçant leur activité en France ;
  • les personnes agréées à cet effet par l’administration.

L’offre de services en matière de représentation fiscale est principalement proposée par des entreprises privées devant solliciter une accréditation auprès de l’administration ; les banques et les acquéreurs étant peu enclins à assumer cette responsabilité.

 

On notera qu’en raison de sa nature commerciale, cette fonction ne peut être exercée par les notaires et les avocats.

 

Le représentant fiscal détermine la plus-value immobilière imposable et les impositions exigibles (impôt, prélèvements sociaux, taxe sur les plus-values élevées, taxe sur les terrains nus devenus ou rendus constructibles). Il est également responsable du paiement de la taxe de 3% sur la valeur vénale des immeubles détenus par les personnes morales due au titre de l’année de la cession (CGI, art 990 F).

2. LES CESSIONS DE DROITS SOCIAUX


En principe, les cessions par des non-résidents de droits sociaux dans des entreprises françaises soumises à l’impôt sur les sociétés ne sont pas imposables en France (CGI, art. 244 bis C).

 

Il existe toutefois une exception en cas de cession d’une participation substantielle (CGI, art. 244 bis B).

 

Une participation est considérée comme substantielle lorsque le cédant, personne physique ou morale, a détenu à un moment quelconque au cours des 5 années précédant la cession, au moins 25% des droits dans les bénéfices sociaux de la société. On tient compte des droits détenus par le cédant et le groupement familial (conjoint, ascendants et descendants, directement ou indirectement) (NB : Les cédants résidant dans un Etat ou d’un territoire non coopératif au sens de l’article 238-0 A du CGI sont imposables en France quel que soit le niveau de la participation détenue).

 

Dans cette hypothèse, la désignation d’un représentant fiscal sera obligatoire dans les mêmes conditions et sous la même responsabilité qu’en matière de cession d’immeuble (voir 1.).

3. LA TVA ET LES ASSUJETTIS NON ÉTABLIS EN FRANCE


La fonction du représentant fiscal en matière de TVA est intimement liée à l’harmonisation européenne des taxes sur le chiffre d’affaires et aux procédures d’assistance au recouvrement des créances fiscales (en dernier lieu, directive 2010/24/UE du Conseil du 16 mars 2010 concernant l’assistance mutuelle en matière de recouvrement des créances fiscales et règlement UE/904/2010 du Conseil du 7 octobre 2010 concernant la coopération administrative et la lutte contre la fraude dans le domaine de la TVA).

 

En effet, le représentant fiscal qui doit être un assujetti à la TVA en France est responsable du respect des obligations fiscales en matière de TVA, afférentes à l’ensemble des opérations réalisées en France par l’assujetti étranger qui l’a désigné, y compris celles dont il n’a pas eu connaissance, ainsi que du paiement de la taxe exigible.

 

Sa mission ne se justifie donc que dans un cadre extracommunautaire et dans la mesure où la France ne dispose pas avec le pays d’établissement de l’assujetti étranger de moyens de recouvrer les créances de TVA.

 

La désignation d’un représentant fiscal en France est ainsi obligatoire pour les entreprises étrangères dans deux cas :

Assujettis étrangers redevables de la TVA en France ou devant y accomplir des obligations déclaratives (CGI, art. 289 A)

Depuis 2013, les assujettis étrangers concernés par la désignation d’un représentant fiscal s’entendent de ceux établis dans un Etat non membre de l’Union européenne n’ayant pas conclu une convention d’assistance au recouvrement des créances fiscales avec la France ; ceci exclut les assujettis établis dans l’Union européenne et dans les 11 pays suivants : Argentine, Australie, Azerbaïdjan, Géorgie, Inde, Islande, Mexique, Moldavie, Norvège, République de Corée et Saint Barthélemy (Arrêté du 15 mai 2013 – JO 4/07/2013).

 

Le représentant fiscal aura un double casquette :

  • en matière déclarative : il établira les déclarations périodiques et statistiques de l’assujetti étranger (déclarations de chiffre d’affaires mensuelles ou trimestrielles, demande de remboursement de crédit de TVA, déclarations d’échanges de biens) ;

  • en matière comptable : il délivrera les factures liées aux activités imposables en France de l’assujetti étranger et tiendra sa comptabilité (l’assujetti ayant néanmoins la possibilité de conserver ces activités dans le respect de certaines conditions, notamment d’identification complète de son représentant fiscal sur les factures).

Assujettis établis hors de l'Union européenne ayant acquitté de la TVA en France sans y réaliser d'opérations imposables (procédure "13e directive" 86/560/CE)

Dans le cadre de leurs activités économiques, les entreprises étrangères non établies en France peuvent supporter de la TVA en France sur leurs acquisitions de biens ou de services sans y réaliser pour autant d’activités imposables à la TVA.

 

Dans cette hypothèse, l’entreprise étrangère ne peut récupérer cette TVA selon la procédure classique réservée aux entreprises identifiées à la TVA en France, et devra déposer une demande ponctuelle de remboursement dite « 13e directive » (procédure transposée en droit français par les articles 242-0 Z quater à 242-0 Z decies du Code Général des Impôts).

 

La désignation d’un représentant fiscal en France est alors obligatoire (CGI, ann. II, art. 242-0 Z octies) et nécessitera une accréditation de la part de l’Etat français.

 

Le représentant fiscal introduit la demande de remboursement de la TVA et reste responsable en cas d’irrégularité ou de remboursement indu pendant toute la prescription fiscale.

EN CONCLUSION :

 

La représentation fiscale est ainsi une activité souvent méconnue et pourtant incontournable dans un contexte international.

 

Elle nécessite une parfaite connaissance des mécanismes de fiscalité internationale, européenne et française, et s'adresse à de vrais professionnels du droit.